Réveil

7h00: Un léger son se fait entendre au loin. Le son est court et se répète, de plus en plus fort jusqu’à devenir strident. Les yeux mi-clos, il éteint automatiquement le réveil et replonge dans l’anesthésie plaisante du sommeil et dans la chaleur de son lit. Il sait que le même son viendra le réveiller dans exactement 5 minutes. Encore 5 minutes et il se lèvera. 5 minutes pour lui laisser le temps de se préparer au réveil et à l’idée de quitter la couette pour affronter le froid de l’hiver. Il se rendort. 

7h05: Le même cirque se répète mais cette fois, il se lève car sa mère lui crie depuis la cuisine qu’elle n’hésitera pas à partir sans lui s’il ne se presse pas. 

7h45: Des individus attendent en file devant un grand édifice en béton. Il fait nuit, il fait froid et de grands cris les enjoignant à rester à distance les uns des autres déchirent de temps à autre le silence. Cherchent-ils à fluidifier l’entrée des personnes dans le bâtiment? Cela semble étrange vu le petit nombre d’individus présents devant les portes.

Il attend son tour et constate, le moment venu, qu’on lui prend sa température au thermomètre laser et qu’on lui asperge les mains d’un liquide visqueux et glacé. Le liquide sent l’alcool. Il trouve cela étrange mais se laisse faire, il a surement affaire à des maniaques de l’hygiène, comme sa grande tante Denise qui impose à tout le monde d’apporter ses propres couverts à chaque repas de famille.

8h05: Une fois à l’intérieur de l’établissement, il se dirige vers sa salle de cours en suivant les flèches collées au sol. Il croise d’autres individus, certains regards lui semblent familiers. Difficile à savoir quand la moitié du visage de l’individu est cachée. En faisant attention, il se rend compte que tous les individus du lycée sont masqués. Que s’est-il passé? L’air diffusé par les filtrateurs serait-il devenu toxique du jour au lendemain sans qu’il le sache? 

Il commence à se sentir mal à l’aise. Ce lycée qu’il côtoie depuis plus de deux ans lui paraît tout d’un coup étranger et tout droit sorti d’un film d’anticipation. 

Devant sa salle de classe, des élèves attendent. La scène est étrangement semblable à  celle qui s’est déroulée devant le lycée. Un à un, les élèves entrent dans la classe, se désinfectent les mains puis se dirigent vers leur place. Tout cela est fait avec naturel, comme si les élèves étaient habitués à cet étrange protocole. 

Une fois arrivé à sa table, il se rend compte que celle-ci est individuelle, démarquée au sol par des bandes rouges et isolée des autres par du plexiglass. Il balaye la classe d’un regard et réalise qu’il en est de même pour toutes les tables. 

Un courant d’air glacé s’engouffre dans la pièce, les élèves frissonnent mais personne ne fait mine d’aller fermer les fenêtres qui sont toutes grandes ouvertes. 

Le cours n’a pas encore commencé, le professeur n’est même pas encore arrivé. Un surveillant entre dans la classe, pianote rapidement sur un clavier. Apparaît alors le visage d’un homme à lunettes en gros plan. Derrière son écran, le professeur salue sa classe.

16h: Il est en tenue de sport sur la piste de course. Il court, essoufflé, son visage est en sueur. Il lui semble que peu importe la force de son inspiration, l’air ne parvient pas à ses poumons. Il court de plus en plus vite et reçoit de moins en moins d’air. Son côté droit l’élance douloureusement, il sent ses jambes faiblir. Il tombe en essayant d’arracher ce qui bloque sa respiration: un masque.

7h05: le réveil sonne pour la deuxième fois, il se réveille en sursaut. Son cauchemar se transforme déjà en un souvenir flou et lointain. Il se lève et enfile rapidement sa combinaison sans prendre le temps de la fermer car sa mère lui crie depuis la cuisine qu’elle n’hésitera pas à partir sans lui s’il ne se presse pas. 

7h10: Il ferme sa combinaison intégrale en composite alu-verre avant de sortir de chez lui, pour éviter que l’air à 70 degré de l’atmosphère terrestre ne le brûle.

Aïda Tijani

Image : “Swine Flu Maximise protection 1 Flu H1N1 Influenza Pandemic flu face mask and safety glasses” by hitthatswitch is licensed under CC BY-NC-ND 2.0

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