Le tweet de la discorde

Avec la coupe d’Afrique des nations, les obsédés de l’identité et autres nationalistes déclinistes viennent de subir une bonne semaine de cauchemar. Mais si nos joueurs ne sont pas suffisamment “marocanisés” pour certains, ils sont lions de l’Atlas, et rien d’autre, pour les vrais patriotes….
“Voici mes encouragements de toute la journée : #NonAuxBiNationauxEnEn”. C’est le tweet publié le 20 janvier dernier par l’animateur de Luxe Radio Talal Chakir, avant que ce dernier ne le retire quelques jours plus tard, sous une pluie de réponses indignées.
Les lecteurs (ou rédacteurs) de Carte Diem ne peuvent qu’être choqués de tels propos, pensant que distinguer les binationaux des autres marocains relève de l’absurdité totale …
Une semaine de cauchemar dites-vous ? Oui, une semaine durant laquelle, leur siècle, leur géographie, en bref, le réel les a rattrapés. Instructive leçon de choses… Mais le football n’invente rien. Ce n’est qu’un jeu, et même un jeu d’enfants. Il ne crée pas, ne produit rien, ni haine, ni amour, et encore moins de politique, servant tout juste de miroir à l’homme, à ses valeurs parfois, à sa bêtise souvent. Le foot reflète l’air du temps des sociétés contemporaines, la nôtre aussi qui semble avoir oublié que l’Histoire de notre pays n’est que terre de métissage, terre de passage, terre de mélange et de partage, et c’est bien ce qui fait sa force !
Les propos de Talal Chakir ne sont pas que racistes, il sont également stupides. Ils présupposent en effet que la double appartenance implique une double allégeance et rend suspect tout binational qui privilégie une nation et en trahit une autre. Toutefois, et n’en déplaise à de pauvres ignorants, la binationalité n’est pas une double allégeance qui ferait peser un “ soupçon de la trahison” sur celui qui en est pourvu. C’est une richesse fondée sur une double culture, un outil supplémentaire pour enrichir sa compréhension du monde. C’est aussi un enrichissement pour soi même et pour les pays concernés, celui d’où l’on vient et celui où l’on réside. C’est également un atout pour les enfants nés ou à naître dans ces familles, mais aussi un devoir parce qu’il impose d’aimer deux fois plus, et même deux fois mieux.
En se heurtant à la réalité, les divagations extravagantes d’un polémiste, qui ne s’y connaît pas davantage en football qu’en patriotisme, dispersent façon puzzle une véritable hystérie identitaire. Zola a dit, “c’est un crime que d’exploiter le patriotisme pour des oeuvres de haine”, et quelques siècles plus tard… “Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation.” Deschamps, entraîneur à ses heures n’est pas Zola. Mais, avec un short et des crampons, il a fait de cette agrégation une équipe de foot, et même une équipe nationale.
Alors dans un pays comme le Maroc, connu de par le monde pour sa diversité, dans une nation où même le langage est en permanente évolution, dans une terre qui “ sent le vrai”, qui transmet, qui témoigne, qui respire, dans une civilisation où l’on échange, où l’on se mélange, un pays cosmopolite… dans ce Maroc là, le nôtre, serait-ce si difficile que cela de cohabiter en paix ?

Nous espérons que cette chronique vous aura donné envie de réfléchir, ici à la rédaction, nous n’avons plus qu’une chose à dire : “Vive les lions de l’Atlas !
Aya BOULMAAROUF, 1èreES3

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